Kerpape est l’un des rares centres de réadaptation fonctionnelle en France à abriter un service d’appareillage. Il permet de répondre au plus vite aux besoins du patient et d’accélérer sa rééducation.
À l’heure du numérique, de nombreux services du centre de Kerpape ont intégré les technologies de pointe. Celui d’orthoprothésie n’a pas raté ce train puisqu’il est équipé d’un laboratoire de conception assistée par ordinateur. L’utilisation de la 3D a facilité certaines tâches – notamment dans la réalisation des moulages – et soulagé des patients. Cet équipement n’a pas révolutionné le métier. Il est tout simplement perçu comme un outil supplémentaire. « On est passé, au fil des siècles, du bois à la fibre de carbone. Mais toutes les évolutions conduisent au même objectif : une plus grande autonomie du patient mais aussi plus de confort et d’esthétique. Notre but est de remettre les patients le plus vite possible sur les rails pour qu’ils reprennent le cours de leur vie », explique Olivier Lemoine, le responsable du service.
« À la rencontre du traditionnel et de la haute technologie »
Avec l’arrivée de l’ordinateur et du scanner, les outils n’ont pas intégré le rayon des antiquités. Dans l’atelier, face à l’alignement d’établis, les orthoprothésistes coulent encore du plâtre, jouent de la perceuse ou de la meuleuse, manient la pince et le tournevis. « Nous sommes à la rencontre du traditionnel et de la haute technologie », résume l’un des membres de l’équipe dans laquelle travaille aussi un sellier-bourrelier de formation, en charge, notamment, des garnissages, des sangles… Si les professionnels sont attachés à leur savoir-faire d’artisan, qui leur permet de s’adapter à chaque cas, ils apprécient le chemin parcouru dans la reconnaissance de leur profession. « Au siècle dernier, les orthoprothésistes étaient encore considérés comme des ouvriers de la métallurgie, héritage d’une période où les prothèses étaient fabriquées avec du fer et du cuir. Aujourd’hui, nous sommes des techniciens supérieurs. Et nous sommes l’une des composantes de l’équipe pluridisciplinaire de rééducation. Le médecin est le chef d’orchestre et nous mettons en musique sa partition avec les autres corps de métier », raconte Olivier Lemoine. Du moulage à l’essayage, l’orthoprothésiste accompagne le patient durant des semaines, témoin attentif d’une reconstruction en marche. Technicien méticuleux n’hésitant pas à multiplier les réglages. « Moi j’ai le beau rôle. Je conçois des bras, des jambes pour les relancer, les remettre debout », confie l’un d’entre eux. « Nous sommes un maillon dans la chaîne qui conduit à la réadaptation », renchérit l’unique femme de l’équipe qui s’est spécialisée dans la conception des masques pour les grands brûlés. « Il n’y a pas que le patient qui se reconstruit mais tout son entourage. Il faut savoir apprivoiser les regards différents », ajoute-t-elle.
« Plus de jambe de pirate »
La qualité de l’appareillage et sa discrétion concourent à l’acceptation d’une nouvelle vie. Il atténue le handicap tout en l’affichant aux autres. « On ne fait plus de jambe raide de pirate ! On réussit à s’adapter aux besoins les plus divers, comme par exemple la pratique sportive, de la natation à l’escalade ! On tente de répondre aux attentes de la vie quotidienne. Je me souviens, notamment, de cette femme qui souhaitait pouvoir pousser son chariot dans un magasin avec sa prothèse de bras tout en donnant sa main valide à son enfant », témoigne Nicolas Guillemot, l’un des dix orthoprothésistes du service. Debout ou assis, tous participent à la quête d’une nouvelle autonomie, le Graal des patients. Et il faut parfois sortir des sentiers battus. « Quand l’existant ne répond pas aux attentes, ils viennent me voir », sourit Mathieu Rietman, le Géo Trouvetout de l’équipe qui planche actuellement sur un fauteuil roulant classique, équipé d’une aide électrique. « Nous ne sommes pas tous égaux face au handicap. Certains ne peuvent pas bénéficier des avancées technologiques comme les coûts ne sont pas toujours abordables », affirme le Néerlandais, toujours à la recherche d’une nouvelle aide technique pour élargir l’horizon de la personne handicapée. Il se souvient encore du sourire de cet enfant essayant le fauteuil adapté à son handicap. « Il ne dépendait plus d’une tierce personne pour le pousser. Il pouvait se mouvoir tout seul ; une étape essentielle pour son intégration sociale. »
Des corsets colorés pour les enfants et les ados
Une fois équipé pour affronter le monde extérieur, il faut pouvoir s’éloigner du « cocon » de Kerpape. Au fil des ans et des innovations, les coques et les orthèses ont été allégées, les articulations des prothèses assouplies. Pourtant, le poids du handicap est toujours le même. « Étonnement, on l’affiche plus facilement dans les pays anglo-saxons avec souvent des prothèses matière brute, acier et carbone », observe un professionnel. En France, on préfère souvent la discrétion. Et la fonctionnalité s’accompagne d’un souci esthétique. Paradoxalement, l’utilisation de la couleur sur les coques et les attelles est de plus en plus demandée par les plus jeunes. « La technique du transfert de coloris à partir de 1995 a été perçue comme une évolution très appréciable pour les enfants et les adolescents », analyse Olivier Lemoine. Un affichage revendiqué pour une différence assumée. « Une fois j’ai proposé à un adolescent de lui réaliser une coquille couleur jeans comme il n’avait jamais pu porter ce genre de pantalon. Il m’a répondu : d’accord mais avec un coloris jean délavé ! » Sans l’énergie de l’espoir, même l’appareillage le plus sophistiqué ne reste qu’une béquille fragile.
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